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6 août 2007 1 06 /08 /août /2007 11:55


L'auteur : Tahar, ancien journaliste en Algérie puis à Bobigny, 45 ans. Auteur d’un livre L’Art, proposé chez Médicis
Le texte : Lorsque la peur ravine

D’abord ce commissariat et la certitude de l’expulsion, puis le bailleur HLM et moins de certitudes encore. Et cette grande maison d’un autre qu’il ne plus aider à peindre. Et puis tous ces gens toutes ces choses qui font la vie qui s’éloignent dans une volupte de fumée, qui deviennent interdits. Le rapport à toutes et tous devient impossible. La nuit noire. Son âme entre les mains d’un autre, inconnu, lointain, disposant de tout de tes rêves de tes joies, de l’avenir, toi et tes proches, moins proches déjà. Et déjà la peur d’aimer, la peur de ne plus avoir le droit d’aimer. Disparaître, mourir, fuir. Payer cher très cher le droit pris au rêve, la folle envolée loin des prescriptions du monde. Parti trop longtemps, trop loin pour écrire. Ne plus savoir revenir. Ne plus savoir faire face, vivre. Espérer toujours pour garder les rêves intacts le plus longtemps possible. Ramasser les mégots la nuit, loin des voisins, en bas de l’hôtel des impôts, des autres bâtiments préfectoraux, là où l’on fait descendre les êtres fumeurs. Faire son pain avec de l’huile de l’eau, du sel et de la semoule. N’avoir que ce pain. Garder le sourire, faire semblant lorsque vient ta fille. Puis te lâcher avec elle. Etre aimé de son enfant qu’on ne mérite pas. Mourir de ne pas pouvoir être parmi les êtres pour délit d’écriture, de foi, de croyance en les autres. Porter seul le plus loin possible le plus longtemps possible cet espoir, ce fol espoir d’être lu, d’être aimé, de revenir d’être accepté.

 

Etre accepté et pouvoir enfin changer le monde ou mourir parce qu’inutile. Victime ni de la vanité ni du hasard. Victime du devoir d’être par les autres, victime au plus profond de son être, jusqu’à, peut-être, ne plus pouvoir être. Vouloir le droit d’être pauvre, vouloir le droit de dire, d’écrire, de rester, d’habiter, vouloir le droit de ne pas mourir, pour tous les Hommes, quelle que soit la maladie qui le mène à la mort. Ecrire, c’est mourir, donner son corps en charpie, sacrifier sa vie dans l’espoir fou d’un pouvoir renaître dans le cœur de l’autre, le temps de quelques pages pour enfin pouvoir entre les paumes de sa main, poser sa joue tendre, douce, encore endolorie, mais confiante.

 
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commentaires

M
Très beau texte dans un style vif (on reconnait la patte du journaliste) qui est un cri du non à l'exclusion et mais aussi un cri d'amour. "écrire c'est mourir" je le pense aussi. j'écris actuellement un texte dans ce sens.
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V
J'aime bien le rythme, l'enchaînement des images, des scènes. Est-ce une nouvelle? Pas sûr. En tout cas c'est un beau texte.
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A
Je ressens ce texte comme une urgence à dire une difficulté d'être là où la personne se trouve, sans vraiment pouvoir se faire la plus petite idée de ce que sera demain. C'est un texte d'aujourd'hui, ce que peuvent vivre plein de gens... mais c'est son texte à lui, qui préfère l'angoisse du lendemain pour pouvoir écrire. Bravo.
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