Me présenter en tant qu'auteur, n'est ce pas un peu présomptueux ? Si le premier pas à franchir est celui du choix du pseudo d'écriture, alors je serais "Second Fondateur" - les adeptes de sf ne manqueront pas de reconnaitre dans le pseudo mon auteur préféré... J'écris avant tout pour moi, pour donner forme aux univers trop à l'étroit dans mon esprit et qui me donnent la migraine à tourner en rond dans mon crâne :p)
Présentation du texte :
Le dealer émet un rire dément et silencieux, et s’enfuit dans le parc. Sa silhouette noire se perd déjà entre les arbres des grandes allées sombres, que les réverbères fracassés au sol n’éclairent plus. Johnny souffle de soulagement. Il pensera à descendre avec son flingue la prochaine fois. Il se trouvera aussi un autre dealer ; ce pauvre paumé avait vraiment l’air au bord de la rupture. Avant de remonter dans sa piaule, Johnny se retourne et contemple le désespoir étalé devant lui. Ici, dans les ghettos, la misère coule des murs et déborde des poubelles. Les murs de briques ne sont plus rouges ; l’air pollué les a noircis. Parfois, là où la couche de crasse a été grattée, le rouge sang d’origine réapparaît en taches diffuses ; ou bien est-ce réellement du sang ? Les véhicules n’empruntent plus les chaussées défoncées. Depuis les émeutes au début de la Crise, les forces de l’ordre ont abandonné ces quartiers. La violence est à la hauteur du désespoir de tous les fous qui se terrent ici. Ici, même les immeubles meurent, victime de délabrement ; ils s’effondrent ou brûlent, et leurs carcasses s’étalent alors dans les rues, et les poutres, le métal et les pierres enchevêtrés serviront de tombe aux squatteurs malchanceux. Ici, les hommes ne sont plus que des rats. Johnny pousse un soupir et se décide à remonter.
Dedans, ce n’est pas forcément mieux que dehors, mais au moins c’est chez lui. Le hall d’entrée abrite les boites aux lettres défoncées qui ne reçoivent plus de courrier depuis longtemps. Au fond du hall glauque, la cage d’ascenseur est un trou béant. Johnny habite au sixième. Il se sent mal à l’aise. La misère l’agresse plus qu’à l’accoutumée. Une crise d’angoisse, signe que son organisme utilise pour lui réclamer la drogue. A chaque pallier les détritus s’amoncellent. La tapisserie humide et jaunie se décolle des murs en grands rouleaux. Si ça ne tenait qu’à lui, il arrêterait de prendre cette merde. Mais son corps l’exige, chaque fois plus violemment. A cause de ces pilules, il n’est plus maître dans son propre corps. Enfin, Johnny ouvre un à un les sept verrous de sa porte. Cette fois, il veut tenir. Encore un peu. Il se barricade dans son studio, et jette le sachet qu’il serrait dans sa main sur son lit. Le désordre et l’odeur de renfermé lui donnent la nausée. Johnny se précipite à la fenêtre, l’ouvre et vomit dans la rue. Il se rince au lavabo. L’eau fraîche sur son visage lui fait retrouver ses esprits.
Sa batterie est là, au pied de son lit. Sa guitare électrique est posée contre le mur. Johnny aime la musique ; il était musicien il y a quelques années encore. Il hurlait son dégoût et son mépris du système ; les rythmes déments de sa batterie ou les riffs puissants de sa guitare étaient son exutoire. Aujourd’hui les instruments se sont tus. Johnny ne crie plus qu’après son dealer, et sa colère et sa haine ne sortent plus. Elles sédimentent au fond de son âme. Johnny brûle et se consume par le feu de sa propre colère. Il se détruit parce qu’il n’a pu détruire le système, et parce que le système rechigne même à l’écraser. Ce soir, Johnny veut tenir. Il ne doit pas penser à la sensation de manque qui le gagne. La musique va l’aider. La batterie commence à résonner dans l’immeuble mal insonorisé. Johnny joue faux mais il joue. Il retrouve des gestes d’une passion qu’il croyait éteinte. Ses rythmes d’autrefois. Quelque chose pourtant ne va pas. Les sons frappent et résonnent dans son crâne. Un bruit sourd revient fréquemment. Quelqu’un hurle. Quelqu’un tambourine à sa porte. Encore rempli de sa musique, Johnny regarde à travers le judas. Son voisin du dessus. Ouvrir la porte. La lame pointée sur lui…les yeux injectés de sang de l’homme.
« …pas le soir ! …journée pourrie...Vraiment pas ! »
Les hurlements ; Johnny commence à comprendre.
« Tu comprends quand on te parle connard! J’te surine si tu continues ! »
Le couteau s’agite à quelques centimètres de sa figure. Cet homme n’aime pas sa musique. Johnny réfléchit ; son automatique est posé sur sa table de nuit, et il n’est même pas chargé. Mieux vaut arrêter de jouer. De toutes façons, il n’a pas envie de tuer quelqu’un ce soir. L’homme remonte chez lui en maugréant.
« Pff…drogués à la con… »