Vous voulez vous lancer dans l’écriture d’un roman, mais vous n’avez pas d’histoire. Inutile de mettre la charrue avant les bœufs (sinon les beaufs montent dedans, refusent obstinément d’en descendre en vous faisant des grimaces, et vous voilà bien avancé) : il vous faut en premier lieu un héros.
Sans héros, pas d’histoire.
Il est également possible que vous n’ayez pas de héros. Dans ce cas, je vous propose de suivre ma méthode.
Prenez un dictionnaire (français de préférence) ouvrez-le à n’importe quelle page et pointez votre majestueux index au hasard sur le livre ouvert devant vous. Si vous tombez sur « exégèse », recommencez. Si vous tombez sur « furoncle » également. Persévérez en fait jusqu’à ce que votre attente soit tout à fait satisfaite.
Ne reculant comme accoutumée devant aucun sacrifice, j’ai payé de ma personne en me livrant personnellement à cette petite expérience.
Compte rendu
Au bout d’une petite heure, alors qu’une ampoule douloureuse commençait à pointer à l’extrémité de mon majestueux index, je suis enfin tombé sur LE mot, celui qui, je le pressentais, allait m’ouvrir les horizons infinis de mon imagination jusque-là bridée par la mentalité étriquée de comptable assermentée que je tiens de mon grand-père.
Ce mot était : canard.
Mon héros serait donc un canard, ainsi en avait décidé, après maintes circonvolutions, mon majestueux index.
Bien.
Je m’asseyais aussitôt sur mon fauteuil en rotin (le même qu’Emmanuelle) et laissait vagabonder mon esprit au gré de sa fantaisie…
Il s’agirait d’un canard tout à fait bien de sa personne, au visage aimable et harmonieux, au plumage brillant et doux au toucher, bref, ce que l’on a commune d’appeler un beau brun de canard. Seulement, ce gracieux volatile est malheureux (les canards heureux n’ont pas d’histoire). Son compagnon est parti un jour pour la lointaine Afrique (l’histoire se déroule en Eure-et-Loire) et n’est jamais revenu (on apprendra dans un second volume actuellement en préparation qu'il s'est, en atterissant, malencontreusement empalé sur la corne d'un rhinocéros).
Après un temps de vague à l’âme, les choses de la vie étant ce qu’elles sont, notre oiseau décidede se mettre en quête d’un nouveau compagnon. Hélas son entourage se compose de blaireaux, de mulots, de coq de bruyère, de raton-laveur, d’une très grande diversité de petits animaux en tout genre, mais pas de canard.
Mais notre héros, doté d’un tempérament volontaire, possède plus d’un tour dans son sac. Il achète dans un magasin de farces et attrapes un masque de Donald Duck et le colle sur le museau d’un lapin qui depuis quelque temps lui tournait autour. Le lapin transpire sous son masque, mais tout à son bonheur, il fait comme si de rien n’était. Quant à notre héros, il finit par oublier que son compagnon n’est pas vraiment un canard. Ils coulent ainsi des jours heureux, et ont ensemble beaucoup de… [la fin demande encore a être travaillée]
Si vous trouvez cette histoire stupide, c’est que vous n’avez aucune imagination, ou qu’elle est bridée par une mentalité de petit épargnant avaricieux. Auquel cas je ne saurais trop vous conseiller d’essayer ma méthode.
Le canard, digne héros des temps modernes